Bien que cela semble une évidence lorsqu’on l’écrit noir sur blanc, la finalité de la gestion n’est pas de contrôler le travail ou de mettre de la pression sur les gens pour atteindre les résultats. C’est pourtant une perception encore bien présente dans de nombreuses organisations, où les employés autant que les gestionnaires appréhendent, pour des raisons différentes, les conversations liées à la performance.
Le but ultime : faire progresser son équipe
Revenons donc à l’essentiel. En gérant la performance, on vise plutôt à faire progresser nos collaborateurs pour leur permettre de contribuer de manière optimale aux résultats de l’organisation.
Encore faut-il être foncièrement convaincu que les individus ont le potentiel de se développer et la capacité de s’améliorer. Ceci implique l’adoption d’un esprit de développement par le gestionnaire, ou Growth Mindset, tel que développé par Carol Dweck. Adopter un esprit de développement, c’est croire que les compétences, l’intelligence et les talents peuvent être développés grâce à la pratique et à la persévérance.
À prime abord, l’adoption d’un esprit de développement réfère à notre propre propension à accueillir les défis, à déployer les efforts requis, à apprendre de l’échec ou de la critique, à s’inspirer du succès des autres et ultimement, à vouloir constamment se développer. Un gestionnaire qui endosse cette croyance aura évidemment beaucoup plus tendance à favoriser le développement des membres de son équipe qu’un gestionnaire qui adopte un esprit fixe, ce qui jouera donc un rôle clé dans leur performance.
Être conscient de ses biais personnels
Ce premier constat met en lumière l’impact de nos propres croyances sur la performance de nos collaborateurs. Un autre élément qui peut peser lourd dans la balance lorsqu’on juge de la performance d’un individu, est notre relation au temps, à l’efficacité. On a longtemps associé la performance à un agenda bien garni et à des semaines de plus de 40 heures.
Un gestionnaire le moindrement à l’affût des tendances en leadership est conscient de la nouvelle réalité du travail et sait que la clé réside dans une gestion axée sur les résultats. Il reste à faire le pas entre la théorie et la pratique : accorder un horaire flexible, accepter la semaine de 35 heures ou le travail à temps partiel, sont des exemples d’accommodements qui peuvent parfois faire sourciller certains gestionnaires. Pourquoi, si on sait que c’est la bonne chose à faire? Simplement parce que l’expérience passée de ces gestionnaires fait référence à des paradigmes différents et bien ancrés dans leurs biais conscients ou inconscients.
Prendre conscience de ses propres biais est donc le premier pas dans la bonne direction. Vient ensuite la capacité à prendre les décisions appropriées malgré la présence de ces biais, en prenant en considération les besoins, motivations et particularités de nos collaborateurs, sans systématiquement comparer avec son vécu personnel. Puis, reste à communiquer le tout de manière mobilisatrice, en évitant de faire ressentir de la culpabilité à l’employé.
Au final, cela implique de revoir notre définition de ce qu’est un employé performant, de bien cibler nos critères d’évaluation et de communiquer clairement ces attentes à nos collaborateurs.
Savoir recevoir et donner du feed-back
Un des outils les plus puissants pour aider nos collaborateurs à progresser et à performer en fonction des critères que nous aurons établis avec eux est sans contredit le feed-back. Le fait d’offrir de la rétroaction régulière permet à un individu de s’ajuster en continu pour atteindre ses objectifs et ainsi contribuer aux résultats. Encore faut-il le faire adéquatement si on veut obtenir l’impact escompté.
Dans son livre Radical Candor, Be a kick-ass boss without losing your humanity, l’autrice Kim Scott, ancienne gestionnaire chez Apple et Google, propose une approche pour donner de la rétroaction qui combine efficacement la bienveillance et la franchise. L’idée est simple : dire les « vraies affaires » sans détour, tout en adoptant une approche humaine et empathique. C’est ce qu’elle appelle la sincérité bienveillante (ou radical candor). Cela nous ramène au principe évoqué plus tôt : en tant que gestionnaire, on veut aider notre employé à réussir parce qu’on se préoccupe personnellement et sincèrement de l’individu.
Une force de ce modèle est de nous démontrer clairement les impacts de donner un feed-back auquel manque l’une des deux composantes. Remettre en question un comportement ou un livrable sans adopter une attitude bienveillante peut être perçu comme une confrontation, voire une agression. Notre interlocuteur risque de se fermer, rejetant d’emblée notre rétroaction et l’associant davantage à une critique. À l’inverse, ne pas nommer un élément problématique sous prétexte de protéger les sentiments de notre interlocuteur par empathie est tout aussi néfaste. On prive ainsi cette personne d’opportunité d’amélioration qui pourrait être bénéfique à sa crédibilité, sa performance et ultimement, sa carrière.
En expliquant à l’employé qu’on lui partage notre rétroaction dans le but sincère de l’aider à progresser, on met la table à une relation de confiance qui continuera de se développer grâce aux moyens que nous mettrons en place pour soutenir son développement.
Miser sur le leadership collectif
D’ailleurs, cette responsabilité de développement et de progression ne peut être menée à bien grâce à la seule implication du gestionnaire. La collaboration entre les différents membres de l’équipe joue un rôle fondamental dans le développement des compétences. Partager la prise de décision, donner une réelle influence sur la manière d’accomplir le travail et impliquer l’équipe dans le suivi des résultats sont autant de pratiques qui responsabilisent chacun face aux résultats de l’organisation, en plus de contribuer à développer une panoplie de compétences transversales à valeur ajoutée (pensée critique, influence, vision systémique pour n’en nommer que quelques-unes).
Conclusion
Incarner un style de leadership qui allie bienveillance et performance commence par une réflexion personnelle de fond sur notre « mindset », nos biais et notre définition personnelle de la performance. Le tout doit ensuite se concrétiser dans nos pratiques de gestion, entre autres par l’écoute des besoins de nos collaborateurs, la flexibilité qu’on leur propose, la rétroaction qu’on leur offre et la marge de manœuvre qu’on leur accorde comme équipe.
Pour boucler la boucle, pourquoi ne pas alimenter notre propre esprit de développement en demandant du feed-back à notre équipe? Peut-être mettront-ils en lumière des pistes intéressantes pour nourrir notre bienveillance et notre propre performance comme leader.
Références
Dweck, C. (2007). Mindset: The New Psychology of Success. Ballantine Books
Scott, K. (2019) Radical Candor, Be a kick-ass boss without losing your humanity (2nd edition). St. Martin’s Press