Être compétent n'est pas seulement celui qui sait, mais celui qui peut
La question du développement des compétences est prégnante dans les discours et encore plus dans ce contexte mouvant, incertain, où nous avons plus que jamais besoin d’individus engagés, capables de s’adapter et compétents en situation de travail.
Mais qu’en est-il dans la pratique? Que font les organisations aujourd’hui pour accompagner et soutenir le développement de leurs employés?
Il convient de constater que hormis le passage des formations en présentiel à des formations à distance, les modalités d’accompagnement au développement des compétences restent sensiblement les mêmes. Nous continuons à responsabiliser pleinement l’individu dans cet exercice : apprendre de façon autonome et prendre en charge son développement à travers des formations proposées et en plus, sans aucune mesure de l’efficience.
Le leurre est de penser que les organisations, en constant ajustement pour avoir une productivité plus importante ou équivalente, peuvent se reposer sur cette entière responsabilisation pour être plus performante. La tendance des organisations apprenantes des années 90 l’avait déjà démontré : l’autoformation et le potentiel à être acteur de son évolution sont nettement influencés par l’environnement.
« Dans tout processus de développement des compétences, des dimensions individuelles et socio-organisationnelles cohabitent ». (Fernagu-Oudet, 2014)
Les organisations apprenantes
Nous pouvons constater que les demandes pour rendre son organisation plus apprenante refont surfaces, expliquées notamment par le contexte actuel qui pousse à se réinterroger. Toutefois, n’oublions pas les obstacles qu’elles ont rencontrés et qui ont provoqué l’essoufflement de cette tendance. (Fernagu-Oudet, 2014)
1. Rendre universel le rapport au savoir
Penser que tous les individus ont envie et besoin d’apprendre, mais aussi qu’ils apprennent tous de la même manière. Or, l’apprentissage reste singulier même s’il se fait avec les autres.
2. Croire au transfert systématique des compétences
On oublie trop souvent que les compétences sont respectives et appartiennent à un environnement de travail, et ce, à l’endroit dans lequel elles sont nées. Être gestionnaire d’une équipe de cinq personnes dans une PME n’est pas être gestionnaire d’une équipe de 30 personnes dans une multinationale. Les cultures organisationnelles vont être différentes, les collègues, les conditions et situations de travail également.
C’est la combinaison des ressources internes (motivation, expériences, compétences, aptitudes, etc.) et externes (valeurs organisationnelles, relations sociales, équipes, organisation du travail, etc.) mises à disposition dans l’environnement de travail qui permettent l’exercice de la compétence.
3. Penser que la mise à disposition de ressources suffit pour être compétent
La mise à disposition de ressources pour apprendre (dispositifs de formation, coaching, réseaux sociaux, documentation, séminaires, conférences, etc.) est un préalable, mais ne garantit pas leur mobilisation, l’apprentissage et le transfert en situation de travail.
Ainsi, la réflexion sur les organisations apprenantes ont eu le mérite de mettre en évidence comment agir sur le travail pour favoriser les apprentissages. Elles invitent à créer des ressources, et des processus pour faciliter la circulation et l’accès à la connaissance, et incite à penser des rituels collectifs pour capitaliser autour des savoirs développés.
Toutefois, ceci ne suffit pas, qu’en est-il de la transaction entre les ressources d’apprentissage et l’apprentissage lui-même?
C’est ainsi que les environnements capacitants interviennent.
Les environnements capacitants
Les environnements capacitants sont des environnements qui contribuent à rendre capable. Outre la mise à disposition de la ressource pour agir et/ou apprendre, les environnements capacitants sont ceux qui se soucient de la transformation de cette ressource en une réalisation concrète.
Pour illustrer, proposer, à l’un de ses employés, une formation pour perfectionner son anglais puis créer, par la suite, plusieurs opportunités de travail lui permettant de pratiquer la langue, serait un premier pas vers ce qu’on appelle un environnement capacitant.
En d’autres termes, la raison d’être de ces environnements est de :
- proposer des ressources qui permettent d’agir et d’apprendre (développer « le pouvoir d’être » ou, autrement, le savoir agir);
- donner le potentiel d’action en situation de travail (développer « le pouvoir de faire » ou, autrement, le pouvoir d’agir).
C’est bien la combinaison de ces deux dimensions qui permet le développement individuel. À savoir également que la motivation des individus doit être au rendez-vous.
Nous constatons ainsi l’important pouvoir des organisations à contraindre ou faciliter le savoir agir et pouvoir d’agir des individus en situation de travail, permettant ou non leur développement. En somme, le développement des individus est vu comme une expansion des possibilités d’agir.
Dans leurs réflexions sur les moyens utiles à mettre en place pour favoriser le développement des compétences, les organisations auraient tout intérêt à penser au-delà du dispositif de formations proposées et penser « environnement de travail », notamment si elles souhaitent gagner en efficience.
Et vous, où en êtes-vous?
- Quelles ressources et opportunités d’apprentissage offrent vos environnements de travail pour le développement des compétences (capacités)?
- Quelles possibilités effectives de développement des compétences offre l’environnement de travail? Dans quelles mesures les individus sont mis en capacité de se saisir des opportunités qui s’offrent à eux lorsqu’il s’agit de se développer (possibilités)?
Voici des pistes d’action sur lesquelles il peut être intéressant d’agir.
- Évaluer le caractère apprenant et capacitant de votre environnement de travail (un préalable).
- Développer une culture de l’apprentissage soit agir sur les valeurs organisationnelles et les stratégies de développement mises en place.
- Renforcer le potentiel formateur des ressources d’apprentissage et des situations de travail (gestion des connaissances et ressources/modalités d’apprentissage).
- Développer des pratiques de leadership censées contribuer à la montée en compétences effectives des individus et des collectifs et ainsi contribuer à leur bien-être (opportunités, marges de manœuvre).