La mondialisation des marchés et la montée des pays émergents exercent une pression sur l’ensemble des organisations nord-américaines. Nous savons d’ores et déjà que le contexte dans lequel les organisations évoluent nécessite de plus en plus d’agilité afin d’augmenter et de maintenir leur compétitivité sur l’échiquier planétaire.
Depuis la crise économique de 2008, le leitmotiv « faire plus avec moins » guide plusieurs orientations et décisions stratégiques. Les organisations sont ébranlées et une remise en question s’exerce à plusieurs niveaux. L’industrie minière n’est pas exempte de cette réalité, même si elle doit relever différents défis qui lui sont propres : la fluctuation des prix des métaux et ses conséquences sur l’ensemble des systèmes organisationnels, la pénurie de main-d’oeuvre spécialisée, les mouvements répétés de la main-d’oeuvre, le travail à distance et en mobilité (fly in, fly out), pour ne nommer que quelques-uns de ces défis.
C’est dans ce vaste mouvement de changements et ce vent de turbulences que la fonction formation (développement des compétences) est, elle-aussi, interpellée.
Les directions d’entreprises exercent une grande pression sur la fonction formation pour qu’elle se redéfinisse de façon à se positionner comme un véritable levier d’efficacité opérationnelle et, ainsi, jouer son rôle de partenaire stratégique. La conservation des savoirs et de l’expertise se définit comme l’un des facteurs clés de la réussite et de la pérennité des entreprises. Jamais les organisations n’auront été aussi conscientes de l’importance de développer leur capital savoir. La plupart des organisations constatent le lien entre l’investissement en formation et l’accroissement de leur performance. La commande est donc très claire, les organisations exigent :
➡ une accélération des apprentissages;
➡ un rapprochement de la fonction formation du stratégique et des opérations (afin d’avoir un réel impact sur l’efficacité opérationnelle);
➡ une plus grande agilité pour faire face aux changements incessants (alléger le système devenu parfois très lourd).
Et à moindres coûts.
De façon parallèle, les avancées de la science concernant le fonctionnement du cerveau humain, et plus spécifiquement les mécanismes menant à l’apprentissage, ébranlent ce qui était jusqu’alors considéré comme des certitudes scientifiques. De plus, le développement fulgurant de la technologie et l’arrivée de la génération Y (plus techno) sur le marché du travail stimulent l’apparition d’une variété de stratégies pédagogiques e-learning jusqu’alors inconnues des spécialistes de l’apprentissage. Il va sans dire que la convergence de l’ensemble de ces facteurs ajoute à la pression déjà exercée sur la fonction formation. À court terme et de façon accélérée, elle est fortement interpellée à se repositionner et à se redéfinir au plan de sa structure et de ses pratiques. Certains des professionnels de l’apprentissage y verront une opportunité pour les services de formation de se positionner de façon plus stratégique et de se définir comme de véritables partenaires d’affaires.
C’est dans cette perspective que plusieurs services de formation revoient en profondeur leur mission et leur fonctionnement. Chacun tente d’alléger les systèmes établis par « l’ère de l’ingénierie de formation » afin de trouver une certaine agilité permettant de s’adapter aux défis contemporains. Certains passent d’un mode décentralisé à un mode plus centralisateur. La tendance nous démontre que plusieurs services de formation se réorientent et se restructurent de façon à transiter d’un rôle de « fournisseur de services » (gestion des activités de formation) à celui de « facilitateur de l’apprentissage » (développement d’une culture apprenante), une tendance qui nous apparaît prometteuse dans le contexte actuel.
Pour y arriver, deux principes clés émergent de l’expérience, soit le principe d’alignement et celui de l’efficience.
Le principe d’alignement fait référence à la cohésion existant entre les besoins de l’opération, la planification des activités de formation (choix des stratégies pédagogiques) et la réalisation du plan stratégique de l’organisation. Par le passé, les activités de formation se définissaient davantage en fonction de la formation initiale requise pour un poste donné. Or, le principe d’alignement nécessite actuellement:
➡ un rapprochement de la fonction formation du monde des opérations conduisant à une meilleure recension des besoins;
➡ une diversification des stratégies pédagogiques (traditionnelles et e-learning);
➡ une identification des expertises critiques nécessaires au succès de l’entreprise;
➡ un va-et-vient constant entre les priorités et enjeux organisationnels et la réalité opérationnelle.
Pour sa part, le principe d’efficience vise à identifier la façon la plus efficace de livrer la solution d’apprentissage, au coût le plus bas et en utilisant de façon optimale les ressources disponibles. De plus en plus, les professionnels de la formation font preuve de créativité et d’ingéniosité afin de trouver des solutions d’apprentissage qui vont dans le sens de ce que nous appelons le « juste-à- temps, juste requis » (rapid e-learning). De plus, le développement de la technologie a multiplié l’offre de stratégies d’apprentissage, enrichissant le patrimoine des activités de développement de façon importante. Le principe d’efficience suggère donc le développement des nouvelles tendances en matière de développement des compétences. Les dernières années ont vu naître :
➡ l’approche de développement des compétences hybride incluant des stratégies pédagogiques e-learning (webinaire, classe virtuelle, jeux sérieux, wiki, etc.), additionnée aux méthodes plus traditionnelles (essentiellement en classe);
➡ le programme court de formation visant la réduction des durées des programmes de formation traditionnels, nécessitant une révision en profondeur des stratégies pédagogiques utilisées par une diversification des méthodes;
➡ l’accompagnement au travail (compagnonnage/ coaching en action) marqué par un approfondissement de la STRUCTURE de ces méthodes classiques d’apprentissage;
➡ la méthode d’apprentissage du « juste-à- temps, juste requis » visant à rendre disponibles les connaissances au moment où la personne en a besoin (outils d’aide à la tâche, outils de soutien à la performance, bases de connaissances informatisées);
➡ la méthode d’apprentissage en mode collaboratif (en présence ou virtuelle) qui requiert de créer des moments précis où des personnes ayant des connaissances et des expertises complémentaires se lient en réseau pour apprendre les uns des autres (codéveloppement, communauté de pratique, « learning chats », etc.);
➡ l’implantation de systèmes informatisés de gestion de la formation (genre LMS) permettant de réduire l’investissement de temps dans la coordination et l’administration des activités de formation.
Ainsi, pour se situer comme de véritables partenaires de la réussite et devenir davantage des facilitateurs d’apprentissage plutôt qu’uniquement des fournisseurs de services, certaines conditions de réussite doivent être présentes :
➡ premièrement, que les organisations donnent une place aux leaders de la formation dans les instances d’influence et décisionnelles afin qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle de partenaires d’affaires;
➡ que les leaders formation développent davantage leurs habiletés à exercer un rôle de partenaires d’affaires (crédibilité) afin de développer une perspective plus grande sur les enjeux stratégiques de leur organisation tout en maintenant un lien soutenu avec les opérations;
➡ que les services de formation développent et fassent le suivi de leurs propres indicateurs de performance;
➡ que les acteurs des services de formation aient une connaissance en profondeur de la variété des formats pédagogiques disponibles (technologies pédagogiques) et une compréhension des facteurs soutenant une culture d’organisation apprenante.
L’énoncé des conditions de réussite menant à l’instauration des organisations apprenantes et à la redéfinition du positionnement des services de formation, sans être exhaustif, nous apparaît éclairant sur le travail à réaliser dans les prochaines années. Plusieurs entreprises minières touchées par l’affaiblissement des prix des métaux auront su profiter de ce moment de ralentissement afin de repenser leur structure dans le but de faire face avec aisance aux défis de demain.
(1) RIVARD, Patrick et Martin LAUZIER. La gestion de la formation et du développement des ressources humaines, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2013, 348 p.
(2) ROUSSEL, Jean-François. Gérer la formation, viser le transfert, Éditions Guérin, 2011.